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LA MALÉDICTION DE L'AKELARRE
23 mars 2015

Analyse des Sabbats par Julio Caro Baroja

 

 

EXTRAITS DU LIVRE DE JULIO CARO BAROJA

"Les Sorcières et leur Monde"

 

 

Julio Caro baroja, né le 13 novembre 1914 à Madrid et mort le 15 août 1995 à Vera de Bidasoa, est un anthropologue, historien, linguiste, essayiste et académicien basque espagnol de langue espagnole. Il est considéré en Espagne comme l'initiateur de l'analyse historico-culturelle.

J'ai choisi quelques extraits de son livre cité plus haut dans lesquels sont analysées les cérémonies du sabbat ainsi que les actes et maléfices dont les condamnés ont été accusés.

 

1/ Quelques idées sur les maléfices produits par des moyens matériels

D'après la doctrine la plus répandue, le possédé, homme ou femme, est la proie d'un esprit impur ou immonde qui le fait parler et agir, selon sa volonté.

==> Les signes de la possession : l'individualité disparaît et une individualité nouvelle apparaît (démoniaque), surgie comme une attaque et qui la remplace pour un temps plus ou moins long.

La possession peut être volontaire ? Si ce n'est pas le cas, le possédé est une victime.

Possibilité d'être atteint par deux voies différentes :

- le démon prend possession du corps de la victime ;

- ou bien un autre, à son instigation, se charge de le faire, par malveillance ou pour toute autre raison.

Pendant tout le XVIIème et notamment dans la 1ère moitié, il y eut d'autres cas - parfois spectaculaires - de possession diabolique attribués à l'action des sorcières et surtout des sorciers. Les gens croient que la personnalité humaine peut être altérée et que l'homme ne peut s'empêcher parfois d'accomplir certains actes, du fait d'humeurs et de substances que recèle son propre corps.

D'après les procès anciens et les documents actuels de certains pays, une sorcière peut transmettre son pouvoir par le simple don d'un objet, transmis généralement in articulo mortis (à l'article de la mort), qui confère la qualité des sorcières.

 

Moyens et substances utilisés pour les exorcismes :

- Sel + eau (destinés à soulager les possédés), Vin (contre les maléfices corporels)

L'or, l'encens et la myrrhe contre les incubes et succubes (Un succube est un personnage de légendes. Démons qui prennent la forme d'une femme pour séduire un homme durant son sommeil et ses rêves, les succubes servent Lilith et ont pour mode d'action la séduction des hommes. Leur pendant masculin est l'incube. Des légendes racontent que le succube prendrait l'apparence d'une femme défunte et, faisant croire à la résurrection de celle-ci, s'accouple avec son bien aimé. Une autre dit que les succubes punissent les hommes pour leur traîtrise en les charmant puis en les abandonnant. Le succube est de nature ambivalente, puisqu'il est à la fois redouté et désiré. « Ce qui fait l'horreur, c'est le désir, et le désir devient monstre » ; pour cette raison, on le retrouve à la fois à la source de songes et de cauchemars, notamment pendant le  Moyen Age).

- L'ellébore blanc, le sucre rosé, le genêt

 

2/ Satan et ses pompes : l'aquelarre, cour royale

Les réunions de sorciers et sorcières étaient chose beaucoup plus courante en pays basque que partout ailleurs, puisqu'elles avaient lieu non seulement le lundi jour consacré, mais tous les jours de la semaine et aux heures les plus inattendues : à midi ou pendant la grand-messe. Mais il y avait aussi des assemblées générales, aux quatre grandes fêtes de l'année. Les réunions avaient lieu dans la montagne, ou dans des maisons particulières, etc. Le démon apparaissait le plus souvent sous la forme d'un bouc; mais de nombreux témoignages lui prêtent un autre aspect :

1° - Maria de Aguerre, 13 ans, dit l'avoir vu sous la forme d'un bouc sortant d'une grande cruche et grandissant ensuite à vue d'œil.

2° - D'autres sous l'aspect d'un tronc d'arbre obscur, sans bras, ni pieds, assis sur une chaise avec un visage humain, grand et effrayant.

3° - Sous les traits d'un homme au visage rouge et enflammé vêtu de noir. Mais 4 cornes sur la tête dénaturaient cet aspect humain ; dans certains cas il a deux visages comme Janus.

4° - De Lancre dit qu'il apparut ailleurs comme un grand lévrier noir, voire comme un bœuf, ou un bœuf de bronze au repos.

 

 

TENTATIVE DE DESCRIPTION DE L'AKELARRE

 

 

A - Satan sous la forme d'un bouc est assis sur un trône doré ; il porte cinq cornes dont l'une est enflammée et sert à allumer tous les feux de la réunion

B - A sa droite se tient la reine de l'Akelarre, assise elle aussi sur un trône, également vêtue, une couronne posée sur ses cheveux dénoués. Elle tient à la main une pognée de couleuvres. a gauche de Satan sur un autre trône, une nonne tient elle-aussi une poignée de couleuvres et plusieurs crapauds ornent son trône.

C - Devant le trône du démon, une sorcière et un diable de bas étage présentent un enfant ensorcelé.

D - (A l'angle inférieur droit de la planche) Autour d'une table rectangulaire, 5 diables et 5 sorcières se disposent à célébrer un banquet fait de charognes, de chair de pendus, de cœurs d'enfants non baptisés et d'animaux immondes.

E - Quelques sorciers et sorcières de rang inférieur, qui n'osent pas participer à la cérémonie, restent à l'écart.

F - "Après la panse vient la danse" ; sorcières et démons repus de chair, dansent autour d'un arbre de façon grossière et indécente. Les démons, tournés vers l'extérieur, les sorcières vers le centre de la ronde, se tiennent par la main.

G - (A l'angle supérieur gauche);cinq sorcières réunies sous un arbre jouent de différents instruments, cornemuse, flûte double, violon, lyre et luth.

H - Au-dessous d'elles, six autres sorcières complètement nues, dansent tournées vers l'extérieur.

I - Trois vieilles maîtresses sorcières, se disposent à fabriquer philtres et poisons. l'une d'entre elles, avec un grand soufflet, attise le feu, où brûlent des os et des crânes. Les deux autres découpent un crapaud avec une faucille. Celle du milieu tient en main des couleuvres qu'elle va dépouiller pour les jeter ensuite dans le grand chaudron où se préparent les poisons.

J - Pendant ce temps quelques sorcières arrivent à l'assemblée montées sur des bâtons ou des balais; d'autres chevauchent un bouc ou un dragon et sont accompagnées de deux enfants qu'elles ont volés ou séduits pour les offrir à Satan. des serpents et des monstres volent aussi dans les airs.

L - Les gens riches et puissants qui assistent à la réunion et décident de l'ordonnance de la cérémonie forment un groupe à part "les femmes avec des masques pour se tenir toujours à couvert et inconnues".

M - Près d'un étang, éloignés des grandes cérémonies, les enfants armés de bâtons, gardent des troupeaux de crapauds.

 

pierre de lancre 2

 

*****

 

Dans ce Pays basque, pays de marins montagnards, d'abondantes pluies et de grandes tempêtes d'automne, la croyance que les sorcières sont responsables de la plupart des catastrophes survenues en mer ou sur terre exerce une grande influence sur la vie quotidienne.

 

3/ L'aquelarre, imitation de l'Eglise

L'aquelarre n'imite pas seulement une cour avec ses rois, ses échansons, ses dépensiers, et ses hauts dignitaires, mais aussi une cathédrale ou une église avec ses dignitaires et ses cérémonies (...)

D'après De Lancre, le démon peut faire apparaître des temples, des autels, des démons à l'aspect de saints, des diacres, des musiciens, des clochettes, mais non des cloches. Les dignités s'arrêtent au grade épiscopal; des sous-diacres, des diacres, des prêtres servent la messe, usant de cierges, du goupillon et de l'encensoir. On y retrouve Offertoir, sermon, Elévation, et jusqu'à l'Ite Missa est. (formule latine utilisée lors de l'eucharistie par les églises catholiques de rite romain "Allez, c'est la mission").

Pour être en tous points parfaite, cette organisation compte même de faux martyrs. Les détails peuvent varier, mais non l'essentiel. L'imitation du rituel chrétien est si servile qu'elle comporte même les draps qu'on pose sur les sépultures de famille dans quelques églises basques, ainsi que les cierges, etc.

Pour achever le tout, on donne le nom de certaines personnes connues qui pratiquent le culte satanique.

 

 

LES SORCIĒRES DE ZUGARRAMURDI

 

 

L'Inquisiteur Don Juan Del Valle Alvarado séjourna plusieurs mois à Zugarramurdi et recueillit de nombreuses dénonciations d'après lesquelles plus de trois cents personnes, sans compter les enfants, devaient être inculpées. Il fit arrêter et amener à Logroño les 40 qui lui paraissaient les plus coupables et vers le 8 juin 1610, réunit en Conseil Consultatif ses collègues Don Alonso Becerra Holguin et Don Alonso de Salazar y Frias, ordinaire de l'évêque et 4 autres personnes. Il semble que l'accord ne fut pas total entre les consultants puisque Salazar exigea d'autres preuves.

Moratin publie une stupéfiante relation qui ridiculise les 3 inquisiteurs, ce n'est que bien plus tard que l'on découvrira le désaccord et le sens critique aigu de Salazar y Frias et qui infirmera les railleries dont il avait fait l'objet.

 

==> Examen du texte de Pierre de Lancre qui prouve que la sorcellerie est bien une secte ou plus communément appelée "Mysteria" ou "Mysterium" (au singulier)

A - En premier lieu, la sorcellerie a ses propagandistes. Ce sont les sorciers les plus anciens dans la secte, ou les plus âgés, considérés comme des maîtres. Ils transmettent les dogmes, qui, loin d'être en cours de gestation, sont déjà parfaitement structurés. La propagande touche les gens adultes et responsables qui promettent de renier Dieu. Tant que cette promesse n'est pas faite, on n'amène pas le néophyte au Pré du Bouc.

B - La présentation du novice suit la promesse du reniement. Le Maître va le chercher vers dix ou onze heures du soir, l'enduit d'onguent, et l'amène à travers les airs jusqu'à l'aquelarre désigné pour les assemblées (...) Le démon y apparait sur une chaise d'or ou de bois noir, en grande pompe, majesté et gravité, et le visage très triste, laid et courroucé. On peut se demander comment un tel physique de gargouille gothique ait pu séduire quelqu'un...Quoiqu'il en soit, la sorcière ou le maître sorcier présente le novice et la cérémonie d'abjuration peut commencer. En premier lieu le novice renie Dieu, puis la Vierge Marie, puis les saints et les saintes, le baptême, la confirmation, ses parents et parrains, enfin la foi et ceux qui la professent. L'adoration suit le reniement et le néophyte baise le démon de façon répugnante.

Une fois terminée l'adoration il est marqué par l'ongle du démon lui-même qui recueille son sang dans un vase et imprime aussi sa marque : l'image du crapaud sur sa pupille. La maîtresse ou le maître reçoit pour prix de ce nouvel esclave quelques pièces d'argent, qui disparaissent si elles ne sont pas dépensées dans les 24heures. Et on donne au néophyte, comme ange-gardien, un crapaud qui, pendant quelque temps dépend encore de la maîtresse sorcière.

Une fois terminée l'abjuration, le démon et les autres sorciers présents recommandent au novice de ne jamais prononcer le nom de jésus, de la Vierge etc.

C - Nous avons là un type de novice - mais il est d'autres modes de recrutements. On s'adresse par exemple aux enfants. On les amène aux aquelarre grâce à des promesses trompeuses, en leur offrant des pommes, des noix et des friandises s'ils sont en âge de donner leur consentement, càd au dessus de 5 ou 6 ans (!!!)

Mais on peut aussi les emmener malgré eux.  (Si les parents ont oublié de les préserver de toute atteinte grâce à l'eau bénite, les jeunes enfants sont arrachés de leurs lits). Puis comme les néophytes, ils gardent les troupeaux de crapauds nécessaires à la préparation de poisons.

D - Quand les néophytes sont très avancés dans la science du mal, ils peuvent donc participer à la fabrication des poisons, après que le démon leur ait conféré une bénédiction très compliquée, ils échappent donc à la tutelle de leur maître depuis l'heure du reniement. "Ils soignent et alimentent eux-mêmes leurs propres crapauds, ils s'enduisent d'onguents, et vont seuls à l'aquelarre, sans avoir besoin de parrains. On leur révèle les secrets et méfaits majeurs, ignorés des sorciers de rang inférieur.

 

Grades et catégories établis dans la secte

Sous tutelle

Dispensés de tutelle

  • Enfants emmenés sans leur consentement jusqu'à cinq ans
  • Enfants qui ont donné leur consentement, à partir de 5 ou 6 ans;
  • Catéchumènes adultes, prêts au reniement;
  • Néophytes qui ont abjuré

 Les initiés du 1er degré qui fabriquent poison et maléfices;

 Les initiés du second degré : propagandistes, initiateurs, tuteurs;

 Les sorciers majeurs

 

L'autodafé de Logroño frappa de différentes peines des maîtres et de hauts dignitaires de la cour démoniaque. Pour faire danser les assistants, Jonaes et Miguel de Goyburu jouaient du Txistu et Juan de Sansin du tambourin.

Tous les vendredis ont lieu des assemblées ou aquelarres ordinaires. Mais la veille des grandes fêtes à savoir : les Trois pâques, la nuit des Rois, l'Ascension, la fête-Dieu, la Toussaint, la Purification, l'Assomption, la Nativité de la Vierge, et la nuit de la Saint-Jean, on célèbre une fête solennelle pour l'adoration du démon. Lors de ces grandes fêtes, le démon officie lui-même et célèbre la messe aidé de ses subalternes. Il s'adresse aux fidèles dans le sens qu'on peut imaginer mais en langue basque, comme pourrait le faire un curé de campagne en son temps ou du nôtre. Les détails de cette messe et de l'adoration qui la suit, comme ceux qui ont trait à l'union charnelle du démon avec les fidèles femmes et hommes, vieillards et enfants, sont répugnants et issus d'une imagination perverse.

Voilà donc de grandes et petites fêtes, des aquelarres de première, de seconde ou de troisième classe qui rappellent les messes ou les enterrements de première ou de seconde classe dans la société rurale.

 

 

Actes commis par les sorciers de Zugarramurdi

 

 

==> Métamorphoses : les sorciers s'amusent à faire peur et mal aux passants. Ils adoptent des apparences diverses : porcs, chèvres, moutons, juments (!!!)

 

==> Tempêtes : Les sorcières cherchent à faire chavirer les navires qui entraient ou partaient de Saint-Jean-de-Luz (ce qui paraît complètement aberrant lorsque l'on sait qu'à bord de ces navires la plupart des marins étaient les époux des femmes accusées !!!)

 

==> Maléfices contre les champs et le bétail : Pendant l'année quand les céréales commencent à fleurir, les sorciers fabriquent des poudres et des poisons pour ruiner les champs qu'ils auront été prospecter au préalable. Se servent de limaces, d'escargots, de crapauds, de lézards, de pets de loups, de couleuvres, etc.

 

==> Maléfices contre les personnes : Les sorciers peuvent provoquer la maladie et même la mort. On peut donner la mort en remettant les poudres maléfiques enveloppées dans la peau d'un crapaud à la personne que l'on veut tuer ou en l'enduisant d'onguent en disant : "Que le Seigneur te donne le Mal de mort". On dit que Graciana (reine de l'Akelarrre, cf tableau des condamnés dans INTRODUCTION) aurait tué de proches parents.

 

==> Vampirisme et nécrophagie : Les enfants en sont les principales victimes.

 

 

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